AIT SAADA, mon village natal

AIT SAADA, mon village natal

Récits et Images de la lointaine Kabylie ou les Chroniques d'un terroir déchiré entre traditions et modernité.


L'air du temps

Publié par Idir AIT MOHAND sur 31 Mai 2011, 09:32am

Catégories : #Mes articles

« Tu n’as qu’un trésor, celui de tes vingt ans, tu ne vis que de rêves et de l’air du temps », chantait Dalida à l’adresse d’une jeunesse des années twist. Aujourd’hui, cette même jeunesse n’a pas changé dans sa façon de rêver. Ce qui a changé, c’est l’air du temps et quand le verbe rime avec, il faut écouter avec l’oreille gauche et laisser la droite ouverte. Lorsque les propos passent d’un côté, ils ressortent de l’autre comme si de rien n’était. Des moyens existent pour retenir le baratin afin d’en faire une récolte selon son désir. Parmi ces moyens, à moins de faire la sourde oreille, il y a le sac étanche (recommandé pour tout ramasser), le sac en toile de jute (pour filtrer ce qui est jugé bon et laisser s’échapper le reste), et enfin, il y a le couffin de l’avisé qui a retenu l’ancien adage recommandant de tendre un filet à celui qui s’amuse à proposer du vent.

Depuis l’avènement d’une nouvelle culture, le monde baigne dans un système de verbiage où tout tourne autour du bla-bla. Du vent made in, du vent local, du vent promotionnel, dans les souks, dans les rues, dans les maisons, tout le monde s’est converti dans le business du vent. On achète, on vend, on échange, on stocke du vent partout y compris dans cet article où il se répète je ne sais combien de fois. Oui, le vent est devenu quelque chose de vital et chacun fait de son mieux pour se gaver de cet air du temps. Les poumons sont remplis, les têtes aussi, on en met partout, dans les poches, dans les tiroirs, dans les remises etc. Les plus malins ont investi dans des banques du vent dont le taux d’intérêt leur garantie des jours dorés en cas disette. Pour le moment, ils n’ont pas de soucis à se faire puisque le vent souffle bien et la crainte d’un manque dans leurs projets à venir, est complètement évacuée.

Même notre artiste méconnu, s’est mis à chanter le vent soufflant sur la montagne. Les affairistes ont même pensé à un label de qualité qui est décerné à ceux qui savent fructifier leur vent. Conditionné sous plusieurs formes, allant du plus petit sachet de poche au dirigeable géostationnaire, cet air du temps est mis à disposition de qui veut s’en servir. Du vent rien que du vent, ça souffle de partout. Les foires, les marchés, les braderies, croulent sous cette marchandise et ça vente de toutes parts.

Que mon ami A. Abdelmadjid, auteur de talent, se rassure. Je ne l’ai pas plagié et je ne veux pas le concurrencer dans ce commerce du vent. J’avais complètement oublié son article à travers lequel, il présentait son nouveau produit « du vent bon marché ». Mon ami que je salue au passage, ne m’a pas soufflé l’idée d’écrire cet article, ce n’est qu’une coïncidence. Et même si c’était le cas, dans ce genre de commerce libre, soutenu par les instances, il n’y a pas de rivalités. Faire la promotion du vent, reste un devoir que chacun se sent l’obligation d’accomplir. Et pour preuve, il suffit de voir comment les banques insistent pour octroyer des crédits illimités à tout le monde afin que le commerce du vent atteigne son apogée.

« Respirer, expirer du souffle », est cette devise qui invite les heureux candidats à se débarrasser du stress qui empoisonne leur quotidien. « Et s’il n’y a pas de vent, comment prendre son envol ? » Disent les affiches publicitaires qui couvrent les murs où d’alléchantes invitations appellent les non-initiés à rejoindre la corporation des adeptes du vent. On y apprend tout le savoir-faire lié à son conditionnement et comment le doser avant de le distribuer. Vent d’est, vent d’ouest, du nord et du sud, peu importe sa provenance, le souffle du vent continue sa valse aux quatre points cardinaux à la satisfaction de ses initiateurs et au plaisir de ses consommateurs.

Cependant, une simple question me taraude l’esprit : et si jamais ce vent tournait en cyclone ?

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